jeudi 29 septembre 2011

Pierre Dardot




Selon [Jeremy Bentham], le gouvernement a sans doute peu à faire directement, il a en revanche beaucoup à faire indirectement : plutôt que de chercher à maîtriser directement la conduite des individus, il doit viser la maîtrise par chaque individu de sapropre conduite. A cette fin, il lui faut agir sur la façon dont l'individu se rapporte à son propre intérêt, étant entendu que l'intérêt constitue pour Bentham la motivation ultime et exclusive de la conduite humaine. Le problème est en effet que trop souvent l'individu calcule mal son intérêt, dans la mesure où la perception qu'il a de cet intérêt est gauchie et biaisée par son amour-propre. Or un individu qui calcule mal son intérêt est un individu qui se gouverne mal. L'action du gouvernement consistera justement à apprendre à l'individu à bien calculer et, en cela, à bien se gouverner. D'où, chez Bentham, l'importance d'un système de lois qui soit agencé de telle manière que l'individu intègre par anticipation dans son calcul tant l'espoir des récompenses promises que les risques de la sanction encourue. Indiscutablement, dans cette formule d'un gouvernement des intérêts par les intérêts, trouve à s'exprimer le souci d'un gouvernement de soi des individus.

*

Bibliographie

- "Qu'est-ce que la rationalité néolibérale?", L'appel des appels, Pour une insurrection des consciences, éditions Mille et une nuits, 2009

mercredi 28 septembre 2011

Sadou Czapka: son nom sonne, de rocher en rocher…




Son nom sonne, de rocher en rocher…

A propos de « Les oiseaux conquis », et « Dédales d’aubes », de Sadou Czapka parus aux éditions Atelier de l’agneau.



C’était une revue confidentielle et qui s’est éreintée sur les murs de l’ego. Cette revue ouvrait nos boites aux lettres à de nombreux livres que nous dévorions avec avidité avant d’en écrire quelques mots. La consigne était de lire vraiment, non de parcourir en se fiant à la quatrième de couverture.

Alors nous lisions, et parfois, nos yeux nous livraient quelques bonnes fortunes. Et, quand celles-ci nous étaient voisines, de plume et de géographie, la rencontre devenait inévitable…



Il en fut ainsi des oiseaux conquis, une étoile filante dans le ciel de l’époque. Une découverte dont la fluidité me ravit.

Voyez-donc. A la relecture, je ne retirerai rien de ces mots :

« Son nom sonne, de rocher en rocher.

Vient-il de plus loin que les hautes plaines qui, à l’est, bordent les plateaux ?

Son nom résonne de paroi en paroi dans les gorges étroites qui conduisent, irrémédiablement aux lacs étincelants, au couchant crépusculaire de l’humanité.

Si vous ne l’aviez jamais entendu, retenez-le.

Son nom est fait de la plume miraculeuse, incapable de noircir une page inutilement.

Il est brodé, du poème, d’une jeunesse nourrie à la résurgence de ce qui reste d’humanité.

Etrange voyage qui les a fait revenir ici, transhumance obscure des poèmes, itinérance somptueuse sur les ailes de l’espoir fou : écrire, être lue.

Retenez donc ce nom et retenez aussi ses mots, tissés méticuleusement une enfance durant.

Sadou nous dit ceci :

“J’aime la poésie des messages

laissés par hasard

sur les dalles des amours grandissantes”

Le hasard fait donc bien les choses : nous aussi. »



L’ouvrage était sorti en 2000. Il me fallut quatre années pour qu’il vienne au sommet de la pile d’abondance littéraire.

Ce fut le moment d’un deuxième ouvrage, « Dédale d’aubes ». Entré dans ma boite aux lettres, il a subi le même sort que tous : celui d’un empilement de livres toujours au bord du vertige et de l’effondrement. Chaque soir, le livre arrivé sur le dessus est celui qui rencontre mon regard. Parfois, comme ici, je regrette de n’avoir pas eu le temps d’y venir plus tôt, d’avoir négligé mon devoir de « découvreur ». Mais, cette foi, c’est un peu d’amertume tant le cri lancé était rauque, profond. Je m’en voudrais presque de n’avoir pas entendu…

Nous nous retrouvions, le samedi matin, au café de la poste, pour offrir notre rêve poétique à des passants qui ne faisaient que passer, sans jamais s’arrêter. Mais nous avions cette fougue qui nous auraient fait soulever les montagnes de conformismes de cette ville, de ce département de province qui a tant de mal à quitter les poncifs du XIXème siècle…



Nous nous sommes perdus de vue. Je viens de retrouver les mots acides d’un « critique littéraire ». Mots glacés qui achèvent un auteur aussi surement qu’une balle de révolver…



Tu sembles, Sadou, ne pas avoir résisté à ce flot de haine qui anime les mondains. Je te lis enfin. Je vois ces mots d’une jeunesse qui se brise, comme ce monde sait si bien le faire…

Un monde qui casse sa jeunesse sans lui trouver la moindre circonstance atténuante est un monde perdu, Sadou, tu le sais bien. Nous en avons tant parlé, à l’époque…

Mais peut-être as-tu, toi aussi, choisi le retrait pour affuter ton vocabulaire. Un jour, ta plume respirera de nouveau au grand air, c’est sûr…



Je lis, je découvre cette errance où l’amour nous plonge sans répit. Tu nages en liberté dans les vasques d’eau claire. Les diamants liquides errent comme larmes sur ta peau. Le soleil ne suffit plus à éclairer le sombre départ de l’enfant attendu. J’entends encore ton cri qui résonne en quelques pâturages de Chine. Le vent dans les herbes folles perpétue sa mémoire…



« C’est plus tard qu’elle s’aperçut du poids énorme qui s’était consumé, le poids d’une vie, celui d’un manuscrit. »



Le point final était un point de silence. Nos pas ont pris des sentiers sinueux pour être qui nous sommes. Il nous restera à guetter le signe, lorsque de nouvelles pages viendront éclore, au soleil de midi…



Manosque, mai 2004, juillet 2009

Xavier Lainé


Cette note de lecture est consultable aussi ici :

Sadou Czapka



Apprends à choisir l'anneau crucial,

porte-le sans crainte, c'est ta lucarne d'éternité.

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Bibliographie

- Les oiseaux conquis, éditions Atelier de l'agneau, 2000

- Dédale d'aubes, éditions Atelier de l'agneau, 2003

mardi 27 septembre 2011

James Oliver Curwood



Or voilà que, soudain, il entendit il ne savait quoi. C'était moins qu'un bruit, une présence. Un simple frémissement traversant l'atmosphère, distinct des autres bruits qui vibraient dans l'air.

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Bibliographie

- Bêtes et gens du grand Nord, éditions Robert Laffont, coll. Bouquins, 1992

lundi 26 septembre 2011

Caroline Coppé



Fleur fragile à l'instinct rebouteux

la terre est ta source

elle sera notre lit d'épuisées

puisque tu es si belle

je vais danser pour toi.

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Bibliographie

- Apparences, éditions L'arbre à paroles, 2005

dimanche 25 septembre 2011

Léopold Congo Mbemba



Je me trie des décombres de la vie,

orpailleur du lac du deuil,

je cherche dans la cendre du désert des jours, étincelles sanguines ou pépites de feu,

les souvenirs à rallumer en cette terre,

la forge d'où renaître.

*

Bibliographie

- Ténors-Mémoires, éditions Présence africaine/Poésie, 2002

- Le chant de Sama N'déye, suivi de La silhouette de l'Eclair, éditions L'Harmattan/ Poètes des cinq continents, 1999

- Déjà Le sol est semé, éditions L'Harmattan/ Poètes des cinq continents, 1997

- Le Tombeau Transparent, éditions L'Harmattan Littératures/ Poètes des cinq continents, 1998

samedi 24 septembre 2011

Jean Cocteau



Un homme qui court moins vite que la beauté fera des œuvres molles. Un homme qui court aussi vite que la beauté fera des œuvres plates. Un homme qui court plus vite que la beauté l'essoufflera, l'obligera à rejoindre son œuvre, et son œuvre deviendra belle à la longue.

*

Bibliographie

- Picasso, éditions L'école des lettres, 1996

vendredi 23 septembre 2011

Philippe Claudel



[...] Les gens n'écoutent jamais ce que leur racontent les rivières, ce que leur racontent les forêts, les bêtes, les arbres, le ciel, les rochers des montagnes, les autres hommes. Il faut pourtant un temps pour dire, et un temps pour écouter.

*

Bibliographie

- Le rapport Brodeck, éditions Stock, 2007

jeudi 22 septembre 2011

Jungkwon Cho



De même qu’une feuille faible a besoin de force

pour tomber sans bruit, les hommes

ont besoin de force, vous le savez,

pour éteindre le feu de leurs âmes.

*

Bibliographie

- Une tombe au sommet, Ed. Circé/poésie, 2000

mercredi 21 septembre 2011

André Chénier



Peuple! ne croyons pas que tout nous soit permis.

Craignez vos courtisans avides,

O peuple souverain!

A votre oreille admis

Cent orateurs bourreaux se nomment vos amis.

Ils soufflent des feux homicides.

*

Bibliographie

- Poésies, éditions R. Simon, 1936

mardi 20 septembre 2011

François Cheng, Du souffle à la langue : la voie du vide-médian



 Du Souffle à la langue: la voie du vide-médian

A propos de “Dialogue” de François Cheng, éditions Desclée de Bouwer



La langue n’est au fond qu’un emprunt. Rien ne nous prédestine à telle ou telle utilisation du langage sinon l’expérience vécue. N’importe quel humain trempé dans la bain sonore de la voix dès avant sa naissance pourrait ainsi développer sa compétence sur n’importe quel territoire d’échange langagier. Ceux qui, comme François Cheng, se sont trouvés par leur exil dans l’obligation de quitter leur langue maternelle pour en adopter une autre en ont fait l’expérience.

Ne s’agit-il que de langue? Tomatis nous expliquait combien la survenue d’une langue était le résultat de conditions géographiques, climatiques. La naissance de la langue, patiemment élaborée au fil de millénaires d’évolution, s’est donc diversifiée au gré du milieu. On pourrait ainsi rêver de notre capacité à adopter toutes les langues connues. Mais ce serait aussi en adopter les usages comportementaux, cognitifs...

François Cheng nous emmène à la découverte de ce long processus qui mène un homme, éduqué en chinois, à adopter le français comme véhicule culturel. Tant de choses opposent les deux pôles que l’exilé dût ne faire qu’un objet de deux modes de pensée.

Il s’en vient alors une poétique qui puise à la source du taoïsme, du confucianisme, du bouddhisme et de la pensée occidentale de l’ego. Il s’en vient l’idée d’une entrée dans la complexité linguistique, la volonté de ne rien simplifier pour au contraire développer les points de convergence.



Au début était le souffle, le souffle de la respiration paisible, modifié par le mouvement: accéléré dans la marche et la course, suspendu par la peur et la crainte ou l’attente, accompagnant le plaisir en le rendant possible. Au début était le souffle et, lorsque les cordes vocales furent assez descendues par notre station érigée, vint la voix. Peut-être alors fut-elle une des voies d’accès à l’abstraction.

La pensée chinoise s’inspire de cette origine: Yin, Yang et voie du milieu (vide médian) ne sont que la suite logique de la découverte du son jailli de nos entrailles pour conquérir l’espace proche, s’assimiler ensuite à d’autres venus des lointains.

Le souffle vocal fut alors le lien entre notre monde intérieur et notre environnement, entre la terre et le cosmos. Ainsi naquit le “Tao”, la voie, fragile parcours au cœur d’une nature qui ne fut pas toujours celle que nous connaissons.

L’homme qui vient d’orient est l’héritier du souffle, intériorisé dans sa philosophie de l’existence. Il en est imprégné jusque dans la symbolique de l’écriture. Différence fondamentale entre une pensée intégrée dans la cosmologie de la nature, et une philosophie anthropomorphique, centrée sur la place de l’homme et sa conquête intérieure, indépendamment de la nature.



François Cheng nous invite à la synthèse, non pour constituer un syncrétisme des modes de pensée différents mais pour envisager la complémentarité, nourrissant ainsi chaque culture en la faisant évoluer; suivant sa propre évolution rendue nécessaire par l’exil, il nous invite à prendre dans chaque culture ce qui vient enrichir notre savoir originel. Il invite à rompre avec les particularismes pour tendre vers l’universel.



L’occident a posé la notion du sujet et du droit, dégageant l’être humain du monde vivant originel; l’orient a posé le sujet comme élément d’un tout au sein de l’univers. Chaque culture se trouve donc en manque de l’autre, chacune vient se compléter au contact de l'autre.

L'orient serait en “déficit du côté du Deux”, le Deux dépeint le Sujet en face de l’Objet, ou le Sujet en face d’un autre Sujet.”

“Nous avons pu montrer que, selon cette pensée” (la pensée chinoise), “ une vue cosmologique et globale s’appuie sur l’idée du Souffle et que le fonctionnement de ce Souffle est ternaire”: Yin-Yang et Vide médian. “Le vide-médian est proprement le Trois - que les confucéens traduisent par l’idée du Milieu juste - , qui, né du Deux, permet au Deux de se dépasser. La pensée chinoise, convaincue qu’un sujet ne peut l’être que pour d’autres sujets, a compris la nécessité du Trois, seul capable de prendre en charge le Deux tout en le transcendant”.



Et de conclure: “D’où tout l’intérêt d’une leçon que la Chine peut recevoir de l’Occident”. D’où aussi tout le sens d’une leçon que l’Occident pourrait recevoir de l’Orient.



Au début, avec la vie vint le Souffle, ici certains choisirent le Trois, d'autres le Deux, peu encore, explorant les voies des uns et des autres, tendirent vers le Un.



Xavier Lainé

26 décembre 2004

Cette note de lecture peut être lue aussi ici :

François Cheng



Assurément, la Terre est le lieu de notre destin. Elle est d'abord le lieu de notre mémoire. C'est là que sont enterrés nos morts. C'est là que nos prédécesseurs ont laissé les traces de leur quête - et conquêtes -, les fruits de leurs créations. De ce fait, elle est aussi le lieu de notre formation. En son sein, devenus des êtres de langage, nous avons entrepris un dialogue de fond avec nos semblables, avec l'univers des vivants et, comme irrésistiblement, avec une forme de transcendance. Car, si transcendance il y a, c'est encore à partir de la Terre, à partir des données de la Terre que nous pouvons l'envisager, que nous pouvons en dire quelque chose de valable. A travers ce dialogue à grande échelle et à tous les niveaux, nous apprenons à nous initier au vrai et au beau.
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En ces temps de misères omniprésentes, de violences aveugles, de catastrophes naturelles ou écologiques, parler de la beauté pourra paraître incongru, inconvenant, voir provocateur. Presque un scandale. Mais en raison de cela même, on voit qu'à l'opposé du mal, la beauté se situe bien à l'autre bout d'une réalité à laquelle nous avons à faire face. Je suis persuadé que nous avons pour tâche urgente, et permanente, de dévisager ces deux mystères qui constituent les extrémités de l'univers vivant: d'un côté, le mal; de l'autre, la beauté.

*
Voie tienne dans la nuit toujours familière déjà étrangère
De nuit en nuit plus loin puis une nuit soudainement le sillage
Etoile filante au cœur d'un cœur brisé

*
La beauté est quelque chose de virtuellement là, depuis toujours là, un désir qui jaillit de l'intérieur des êtres, ou de l'Etre, telle une fontaine inépuisable qui, plus que figure anonyme et isolée, se manifeste comme présence rayonnante et reliante, laquelle incite à l'acquiescement, à l'interaction, à la transfiguration.
Relevant de l'être et non de l'avoir, la vraie beauté ne saurait être définie comme moyen ou instrument. Par essence, elle est une manière d'être, un état d'existence.

*
L'infini qui sépare
Le silex bref
de la flamme durable
La chenille grimpante
de la chute des feuilles
L'appel de l'enfant perdu
de la mère qui attend
L'infini que traverse le souffle
du Vide médian
Là est le lieu de vie
Là est le lieu
Là est
*
Sommes-nous là pour durer,
Ou bien pour un seul été ?
La gloire née d’une main d’homme
A glissé d’entre les murs.
Trouant l’espace diapré,
La licorne sans tête pourchasse

L’ombre de l’après-midi.
*
Le vrai Espace, pour un poète, c’est celui qui vit dans le signe et entre les signes.
.
Introduire le Vide dans le langage, c’est briser un tant soit peu la linéarité, c’est restituer à chaque signe sa pleine existence et laisser les signes jouer un jeu plus libre, lequel engendre une possibilité de signifiance plus riche et plus profonde.
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Nous sommes clôture et finitude

Pourtant c’est entre nous
Que sans fin jaillira
Ce que la vie désire
De plus vaste
De plus haut
D’indéfiniment transmuable

Aimer c’est être
En avant de soi
Aimer c’est dire
« Tu ne mourras pas ! »
*
Au fond, ce qui arrive, c’est tout ce qui est arrivé. C’est cette vie même, c’est une autre vie, c’est une autre vie dans cette vie, c’est cette vie qui ne peut pas ne pas être autre. Ce qui peut arriver, ce qui doit arriver, ce n’est plus à nous de le mesurer.
Que s’élève le chant des âmes retrouvées !

*
Bibliographie

-       A l’orient de tout, éditions NRF Poésie/Gallimard, 2005
-       Cinq méditations sur la beauté, éditions Albin Michel, 2006
-       L’un vers l’autre, En voyage avec Victor Segalen, éditions Albin Michel, 2008
-       L’écriture poétique chinoise, éditions du Seuil, Folio essais, 1996
-       Le long d’un amour, éditions Arfuyen, 2005
-       Quand reviennent les âmes errantes, éditions Albin Michel, 2012
-       Main lettrée, Revue Poésie, n° 65, 1996
-       La vraie gloire est ici, Revue Poésie, n° 85, 2000

lundi 19 septembre 2011

Andrée Chedid



Derrière l'horizon

Tout au revers de soi

Nul obstacle

n'interrompt le regard

.

Tout s'accomplit

Tout s'accorde

Quand mort et vie

S'abordent.

*

Bibliographie

- Rythmes, éditions NRF Gallimard, 2003

- L'amour, Revue Le coin de table, n°9, janvier 2002

- Les racines et l'espace, Revue Poésie, n°79, 1999

dimanche 18 septembre 2011

René Char

La seule signature au bas de la vie blanche, c'est la poésie qui la dessine. Et toujours entre notre cœur éclaté et la cascade apparue.

*


Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l'issue de l'aube que le bougeoir du crépuscule.
Elle passa les grèves machinales; elle passa les cimes éventrée.
Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l'alcool du bourreau.
Son verbe ne fut pas aveugle bélier mais la toile où s'inscrivit mon souffle.
D'un pas à ne se mal guider que derrière l'absence, elle est venue, cygne sur la blessure, par cette ligne blanche.

*
"Je t'aime", répète le vent à tout ce qu'il fait vivre.
Je t'aime, et tu vis en moi.
*
Ah! beauté et vérité fassent que vous soyez présents nombreux aux salves de la délivrance!
*  
Tu es pressé d'écrire

Comme si tu étais en retard sur la vie.

S'il en est ainsi fais cortège à tes sources. Hâte-toi.

Hâte-toi de transmettre

Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.

* 

Il faisait nuit. Nous nous étions serrés sous le grand chêne de larmes. Le grillon chanta. Comment savait-il, solitaire, que la terre n'allait pas mourir, que nous, les enfants sans clarté, allions bientôt parler?

*

Le poète est retourné pour de longues années dans le néant du père. Ne l'appelez pas, vous tous qui l'aimez. S'il vous semble que l'aile de l'hirondelle n'a plus de miroir sur terre, oubliez ce bonheur. Celui qui panifiait la souffrance n'est pas visible dans sa léthargie rougeoyante.

Ah! beauté et vérité fassent que vous soyez présents nombreux aux salves de la délivrance!

*

Que les gouttes de pluie soient en toute saison

Les beaux éclairs de l'horizon;

la terre nous la parcourons.

Matin, nous lui baisons le front.

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A chaque effondrement des preuves le poète répond par une salve d’avenir

*

Ne t’attarde pas à l’ornière des résultats

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Cette guerre se prolongera au-delà des armistices platoniques. L’implantation des concepts politiques se poursuivra contradictoirement, dans les convulsions et sous le couvert d’une hypocrisie sûre de ses droits. Ne souriez pas. Ecartez le scepticisme et la résignation, et préparez votre âme mortelle en vue d’affronter intra-muros des démons glacés analogues aux génies microbiens.

*

Un homme sans défauts est une montagne sans crevasses. Il ne m’intéresse pas.

*

A tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s’asseoir. La place demeure vide mais le couvert reste mis.

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Bibliographie

-- Le marteau sans maître, nrf Poésie/Gallimard, 2002
-- Recherche de la base et du sommet, nrf Poésie/Gallimard, 1986
-- Commune présence, nrf Poésie/Gallimard, 2003
-- Dans l'atelier du poète, Quarto Gallimard, 1996
Fureur et mystère, nrf Poésie/Gallimard, 1967