mercredi 30 novembre 2011

Ohiyesa


Enfant, je savais donner; j'ai oublié cette grâce

depuis que je suis devenu civilisé.

J'avais un mode de vie naturel alors qu'aujourd'hui, il est artificiel.

Tout joli caillou avait une valeur à mes yeux;

chaque arbre qui poussait était un objet de respect.

Maintenant, je m'incline avec l'homme blanc

devant un paysage peint dont on estime

la valeur en dollars.

mardi 29 novembre 2011

Bernard Noël

 
Le syndrome de Gramsci, je voudrais que sa définition servît d’appel à la conscience. Pensez à l’accident qui lui sert de référence, et pensez également à la manière dont Gramsci se moque (cahier 29) du libéralisme "loufoque" qui, en recommandant l’apprentissage spontané d ela langue, exclut en réalité la masse populaire de la culture. 
 
Notre corps ne se projette pas qu’en pensée: il va plus loin que sa peau et s’enveloppe d’une chose où l’on veut bien reconnaître de la présence tout en refusant d’y percevoir davantage et de s’interroger sur sa nature. 
 
 
... Les mots crèvent au ras de ma peau. Le regard est fixe. Le buste est un assemblage d'éléments mobiles et d'éléments immobiles. Les gestes se poursuivent à l'intérieur de la poitrine, comme les cercles sur l'eau. 
 
 
Il ne s'agit pas d'attendre le possible. Il s'agit seulement de créer les conditions propices à l'apparaître, et alors survienne ce qui doit venir.
 
 
Le monde n'est pas fini et quand le vent se lève notre visage est différent
 
 
On m’avait toujours dit, ou c’était flottant dans le discours environnant, qu’écrire, en tout cas publier, c’était affirmer son identité. Or, j’ai vécu l’inverse. A partir du moment où je vois mon nom sur un livre, je sais que cet objet n’a plus besoin de moi. Et qu’il y a plutôt une perte. Perte d’identité n’est pas le mot. Peut-être une perte de corporalité ! En tout cas, ce qui m’intéresse, c’est ce que je suis en train de faire. Je n’étouffe pas dans ce que j’ai fait parce que je n’ai pas le sentiment d’avoir fait grand-chose, mais d’avoir beaucoup plus à faire. Le problème, c’est qu’on ne peut pas être interrogé en connaissance de cause sur ce qui est en cours. 
 
 
La poésie va-t-elle survivre en tant que genre ou bien sous d’autres formes ? Et si elle change de forme sera-t-elle encore la poésie ?
 
 
La mode, dans les medias dominants, est aujourd’hui de la considérer comme obsolète, autrement dit plus que morte. 
 
 
Les media ne dominent qu’en ignorant ce qui les conteste, et la poésie, du simple fait qu’elle existe, les conteste parce qu’elle représente la qualité quand ils n’ont souci que de quantité. Les media sont l’actualité, toute l’actualité, et la poésie se moque de ce temps-là. 
 
 
De ce fait, la poésie est le foyer de résistance de la langue vivante contre la langue consommée, réduite, univoque. La poésie est cette vitalité de la langue sans avoir besoin de l’affirmer : elle l’est naturellement, en elle-même, par sa situation, car elle est sans cesse réactivée par ce qui l’anime, et qui est source, qui est originel. 
 
 
Le poème se distingue immédiatement par sa façon d’occuper la page. 
 
Le poème s’y tient debout, vertical. 
 
 
A cet instant, je comprends pourquoi il n’y a pas d’indignation possible à l’instant même où retentit le cri à la mort d’un humain que d’autres humains maltraitent : il n’y a que le saisissement froid de l’horreur, et cela ne parle ni ne se parle. Après vient la colère, la révolte, mais comment dirait-on ce cri ? Et si l’on pouvait encore le crier, quel froid – celui de la mort. La révolte nous réchauffe : elle nous fait revenir de la mort. La révolte rature la mort. La révolte agit ; l’indignation cherche à parler. Seulement, depuis le fond de mon enfance que de raisons de s’indigner : la guerre, la déportation, la guerre d’Indochine, la guerre de Corée, la guerre d’Algérie… et tant de massacres, de l’Indonésie au Chili en passant par Septembre Noir. Il n’y a pas de langue pour dire cela. Il n’y a pas de langue parce que nous vivons dans un monde bourgeois, où le vocabulaire de l’indignation est exclusivement moral – or, c’est cette morale-là quiç massacre et qui fait la guerre. Comment retourner sa langue contre elle-même quand on se découvre censuré par sa propre langue ?
 
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Un rien nous ramène à l’ordre, et parfois même l’arme que nous avions cru braquer contre lui : partout est à l’œuvre une puissance de récupération fantastique. Et d’abord en nous.
 
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Dans notre société, les principes sont indéfendables puisqu’il est dans leur essence d’être des principes, et donc de ne pouvoir être mis en question.
 
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Je suis un bon écrivain, donc un écrivain inoffensif.
 
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Tous les mots sont complices de leur contexte de la même manière que tous les opprimés sont complices de leurs oppresseurs sinon, eux qui sont la majorité, ils s’uniraient pour vaincre. L’histoire n’est que l’histoire de l’oppression. Les révolutions, finalement, n’ont jamais servi qu’à ceux qui renversent le pouvoir pour le prendre. Nous sommes dupés d’avance parc que la langue est contrôlée. La langue comme l’Etat a toujours servi les mêmes. Nous devrions nous méfier de tous ceux dont les bourgeois disent : avec celui-là, au moins on peut parler. Celui-là est déjà un traître, même s’il n’a pas trahi. Dans le contexte de l’ordre, on ne peut, en dialoguant avec cet ordre, que le servir.
 
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Il faudrait un langage qui, en lui-même, soit une insulte à l’oppression. Et plus encore qu’une insulte, un NON. Comment trouver un langage inutilisable par l’oppresseur ? Une syntaxe qui rendrait les mots piquants et déchirerait la langue de tous les Pinochet ? 
 
 
Il n’y a pas de pouvoir libéral : il n’y a qu’une façon plus habile de nous baiser. 
 
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La biographie et l’état social communiquent en permanence à travers la culture et l’information.
 
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La culture n’est pas quantifiable, ni réductible. La culture ne peut se ramener à un savoir. Elle est instable. Elle inclut même l’oubli. La culture dépense ; l’information capitalise, mais paradoxalement elle aboutit à un savoir vide, car elle est plate, et tout y est égal. L’important n’est pas de savoir, mais de relativiser. L’homme gavé d’information ne fait pas la différence, et bientôt il devient indifférent.
 
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La censure bâillonne. Elle réduit au silence. Mais elle ne violente pas la langue. Seul l’abus de langage la violente en la dénaturant. Le pouvoir bourgeois fonde son libéralisme sur l’absence de censure, mais il a constamment recours à l’abus de langage. Sa tolérance est le masque d’une violence autrement oppressive et efficace. L’abus de langage a un double effet ; il sauve l’apparence, et même en renforce le paraître, et il déplace si bien le lieu de la censure qu’on ne l’aperçoit plus. Autrement dit, par l’abus de langage, le pouvoir bourgeois se fait passer pour ce qu’il n’est pas : un pouvoir non contraignant, un pouvoir « humain », et son discours officiel, qui étalonne la valeur des mots, les vide en fait de sens – d’où une inflation verbale, qui ruine la communication à l’intérieur de la collectivité, et par-là même la censure. Peut-être, pour exprimer ce second effet, faudrait-il créer le mot SENSURE, qui par rapport à l’autre indiquerait la privation de sens et non la privation de parole. La privation de sens est la forme la plus subtile du lavage de cerveau, car elle s’opère à l’insu de sa victime. Et le culte de l’information raffine encore cette privation en ayant l’air de nous gaver de savoir.
 
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La liberté d’expression est évidemment dépendante de l’état de la langue.
 
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La sensure qui agit sur nous à travers les mots (alors que la censure agit à travers nous contre les mots) agit par ailleurs sur les mots avec un effet de sensure : elle oblitère leur signifiant, c’est-à-dire leur matière, leur corps. Ainsi découvre-t-on que l’ordre moral vise à raturer en tout être, en toute chose, sa matérialité.
 
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L’ordre moral est moins obtus qu’on serait tenté de le croire. L’ordre moral, c’est l’ordre de l’esprit.
 
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L’érotisme n’est pas un retour au corps, il n’est qu’une intensification narcissique de son image. Et cette image censure, dans le corps, tout ce qui est organique, tout ce qui est physique. On n’a jamais autant montré de corps, et ceux-ci n’ont jamais été aussi peu des corps. Ce sont des objets, toujours neufs, toujours beaux, et qui paupérisent également le désir en le stylisant.
 
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La violence débouche sur la mort. La mort met fin à la violence, ou alors il faut inventer l’enfer.
 
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Après tout, que les bourgeois défendent leurs intérêts en essayant de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, rien de moins inattendu, mais que le communisme ait été vidé de son sens pour servir une entreprise totalitaire dont le monde ni la pensée ne se remettent pas, voilà un bien plus grave outrage aux mots.
 
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Il est dans l’essence des vivants de demander aux autres vivants d’être quelqu’un.
 
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La littérature n’est pas enseignée pour le plaisir d’elle-même, mais pour le français, pour l’histoire, pour les mœurs, pour le témoignage. Elle est utilisée. L’écrivain est une citation, un morceau choisi, une récitation, un sujet, un exercice.
 
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Le plaisir jusqu’ici n’a jamais eu la moindre valeur sociale : il ne figure pas à l’échange, et cela explique sans doute le caractère implacable et sexiste du pouvoir.
 
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Notre société permet tout ce qui ne la dérange pas. Si ce n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui et s’il y a crise, c’est que l’intérêt immédiat des hommes du pouvoir est en contradiction avec les valeurs qui fondent leur pouvoir. Il leur faut, par exemple, favoriser la consommation, qui les enrichit, au détriment de la morale, qui les légitime. Pour la première fois, le pouvoir s’établit sur la confusion et non plus sur l’ordre. Il s’ensuit un mensonge généralisé, dont la langue est malade.
 
La permissivité actuelle autorise à tout dire parce que tout ne veut plus rien dire. La parole devient inoffensive par privation de sens. L’écriture connaît la même privation sous ses formes normalisées : publicité, journalisme, bestsellers, qui passent pour de l’écriture et qui n’en sont pas.
 
L’ancienne censure voulait rendre l’adversaire inoffensif en le privant de ses moyens d’expression ; la nouvelle – que j’ai appelée la sensure – vide l’expression pour la rendre inoffensive, démarche beaucoup plus radicale et moins visible.
 
Un bon écrivain est un écrivain sensuré.
 
Tout ce qui médiatise censure.
 
 
Bibliographie
 
- Dictionnaire de la Commune, éditions Mémoire du livre, 2000 
 
- Le château de Cène, éditions Gallimard, L'imaginaire, 1990
 
- Le tu et le silence, éditions Fata Morgana, 1998
 
- Vers henri Michaux, éditions Unes, 1998 
 
- Fables pour ne pas, éditions Unes, 1985
 
- Extraits du corps, éditions Unes, 1988 
 
- Correspondances, avec Georges Perros, éditions Unes, 1998
 
- Zao Wou-Ki, éditions L'Atelierdes Brisants, 2001 
 
- Vieira da Silva, éditions L'Atelier des Brisants, 2002 
 
- La langue d'Anna, éditions P.O.L, 1998
 
- Le syndrome de Gramsci, éditions P.O.L, 1994
 
- L'espace du poème, entretiens avec Dominique Sampiero, P.O.L, 1998 
 
- Une barque remplie de visages, introduction à Hélène Dorion, Autre Sud, n°4, Mars 1999
 
- La table, Revue Propos de campagne, n°11, printemps 2001
 
- Ce que jamais on ne verra deux fois, Revue Poésie, n°76, 1999
 
- La chute des temps, NRF Poésie/Gallimard, 1993
 
- Dossier Bernard Noël, Le Matricule des Anges, n°110, février 2010 
 
- En toute amitié (à propos de Georges Perros), Le Matricule des Anges, n° 125, juillet-août 2011

lundi 28 novembre 2011

Pablo Neruda



Étoile de houle, eau matrice,

mère matière,

moelle invincible,

tremblante église érigée dans la boue:

la vie en toi palpa la nuit des pierres

et recula lorsqu'elle atteignit la blessure,

et s'avança avec des écus,

des diadèmes,

et tendit des dents transparentes,

et dans son ventre accumula la guerre.

Ce que l'obscurité forma,

étant brisée par la substance froide de l'éclair,

Océan, vit là dans ta vie.

*

Bibliographie

- Chant général, nrf Gallimard, coll. Du monde entier, 1982

- Résidence sur la terre, nrf Poésie/Gallimard, 1981

dimanche 27 novembre 2011

Edgar Morin

Il est remarquable que l'éducation qui vise à communiquer les connaissances soit aveugle sur ce qu'est la connaissance humaine, ses dispositifs, ses infirmités, ses difficultés, ses propensions à l'erreur comme à l'illusion, et ne se préoccupe nullement de faire connaître ce qu'est connaître.

*

[...]L'information devient notion maîtresse, maître-mot. Elle est maîtresse de l'énergie qu'elle manipule, enchaîne, déchaîne (mais qui manipule l'information?). Le programme qui régit la machine est roi (où sont l'homme et la société qui ont constitué le programme?). Le code génétique est le programme qui régit la cellule et par extension l'organisme, la vie (mais d'où vient ce programme? qui l'a formulé? pourquoi a-t-il besoin des produits qu'il fait exécuter pour exister?). L'information régit la société via normes, règles, interdits (à condition d'oublier les rapports de domination, exploitation, solidarité entre les groupes qui déterminent autant les règles, normes, interdits qu'ils sont déterminés par ceux-ci).

Ainsi l'information devient impériale précisément en occultant les caractères multidimensionnels, récursifs, rétro-actifs, concrets dans et par lesquels il faut comprendre la machine, la vie, la société. Elle revendique dès lors l'univers, dans la jonction des deux royaumes dont elle se dit l'héritière. Dans le premier régnait la Matière, dans le second règnait l'Esprit. L'information prétend au premier par son caractère physique, au second par son aptitude universelle au commandement. Sa vertu, son efficacités sont garanties, prouvées, par la machine et l'ordinateur. Du moment que le bit y fonctionne, c'est qu'il a valeur universelle. Tout ce qui est bon pour une machine (artificielle) est bon pour la nature. Tout ce qui est bon pour l'ordinateur est bon pour l'homme.

Une fois de plus, nous voyons comment une notion au départ élucidante devient abêtissante, dès qu'elle se trouve dans une écologie mentale et culturelle qui cesse de la nourrir en complexité. [...]

*

Chacun des atomes de notre corps dépend d'un ordre gravitationnel, lequel dépend des interactions de chaque atome de notre corps avec son environnement.

*

Au sein même des périodes noires, des graines d'espoir surgissent. Apprendre à penser cela, voilà l'esprit de la complexité.

*Bibliographie

- La méthode I, La nature de la nature, éditions du Seuil

- Introduction à la pensée complexe, éditions du Seuil, 2005

- Le paradigme perdu : la nature humaine, éditions du Seuil, 1973

samedi 26 novembre 2011

Montaigne



Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au delà. La crainte, le desir, l'espérance nous eslancent vers l'advenir, et nous desrobent le sentiment et la consideration de ce qui est, pour nous amuser de ce qui sera, voire quand nous ne serons plus.

*

Bibliographie

- Essais, Livres 1, 2 & 3, éditions Garnier-Flammarion, 1969

vendredi 25 novembre 2011

Gaston Miron

Corolle ô fleur ton sourire
ouverte échappe des abeilles d'or
reviennent les soirs bruns ivres
Infante des jeux du sort
née la beauté aux arches de tes rives nos yeux marée sur ton corps
enfante pour eux les perles de vivre

*

Bibliographie

- L'homme rapaillé, NRF Poésie/Gallimard, 1999

jeudi 24 novembre 2011

Milarepa



L'assurance d'une vue

Sans démons et sans dieux.

L'assurance d'une méditation jamais distraite,

D'une indépendance d'esprit absolue.

L'assurance de l'accomplissement

Sans espoir et sans crainte.

Je suis le yogi possédé de ces trois assurances.

Êtes-vous celle qui les désirez?

*

Votre corps erre dans les airs sans opposition,

Vos penchants enchaînés par les pensées vicieuses.

Avec les crocs de la détresse vous menacez autrui,

En tourmentant les autres vous ne torturez que vous.

*

Bibliographie

- Les cent mille chants, volume 1, traduits du tibétain par Marie-José Lamothe, éditions Fayard, L'espace intérieur, 1986

- Les cent mille chants, volume 2, traduits du tibétain par Marie-José Lamothe, éditions Fayard, L'espace intérieur, 1989

mercredi 23 novembre 2011

Jean Métellus



Martin Luther King (1929-1968) - Extraits

Dans le miroir, dès l’aube, au moment du rasage
Il contemplait les joues pulpeuses de son visage
Une moustache sans faute sur ses lèvres éloquentes
Témoin des ruses déjouées, des mensonges traqués
Illuminait son teint, son sourire et sa bouche
Et avivait encore l’éclat de son regard

Il regardait le monde avec des yeux d’enfant
S’ingéniant tous les jours à combattre la colère
Sous la pression vibrante et fervente de sa foi
Ses frères en prière furent conduits par la grâce
Soulevés par l’enthousiasme aux portes de l’espoir
Là où toujours s’allient amour et liberté


Sa voix coulait tel un long fleuve sans âge
Déposant sur chaque plaie le baume de l'espérance
Sur chaque foyer sans feu une chaleur fraternelle
Et sur les soirs torrides une fraîcheur musicale.
Clairière au fond des bois, oasis dans le désert
Tel un immense feuillage, sa voix grave, apaisait
Dénonçant les affronts qui égarent la raison
Réduisant au silence les exterminateurs


Que nos cœurs dispensent la rosée
Que nos mains répandent la douceur
Que l’amour seul guide nos pensées
Dans le temps et dans l’espace
Plus rien ne nous épouvante
Ni la fureur des éléments
Ni celle des hommes, ni l’inconnu
Car l’amour nous anime, nous porte

Mes frères, réveillez-vous, luttez
Nous élargirons l’univers
Nous marcherons d’un pas alerte
Sur la chaussée grise et usée…
.
Albert Luthuli (1899-1967) – Extraits

La terre crie pitié
Les corps se voilent de peurs secrètes
Quand les ombres détruisent l’enfance
Et métamorphosent son monde d’innocence
En labyrinthes déformants
Quand les femmes lavent leur chair aigre de zombis
O le poids de leurs matrices rouge-mauve
Racines folles et frêles
Crénelées comme les berges du crépuscule


Ce siècle se régala de sang, de massacres et de morts
La roue de la technique écartela les corps
Et tout un peuple servit d’engrais à la terre
La brume envahissait les regards des enfants
La haine s’engouffrait dans les cœurs innocents
La détresse anesthésiait la révolte
Le poids du péril déposé sur les ailes de l’espérance
Menaçait l’homme noir
.
Armstrong (1900 – 1971) – Extraits

Recouds, reprise les saisons déchirées
Lacère la nuit et délie l’aurore
Caresse l’immensité de ta voix sans frontière

Le ciel s’est dévêtu
Le firmament est vierge
Le monde, désespérément noué
Attend un sanctificateur


Assiège l’écorce de l’amertume
Et apaise la démangeaison des jours


Je garde un amour coupable
Qui grandit dans mon cœur
Pour tous ces dieux ensevelis
Ils s’abritent dans mes cheveux
Avec pitié et gravité
Comme des passagers clandestins encore vivants


Nous avions ce jour-là écrit
Avec la trompette et les contes
Avec la vue et l’ouïe
Au cœur de la mémoire
L’histoire de tous les orphelins


Quand un homme exorcise un peuple cousu par la douleur
Il verse l’eau de son corps où grandit l’arbre fruitier
.
Steve Biko

Faisons notre examen de conscience
Et redécouvrons nous nous-mêmes
Révisons notre histoire
Sans céder à la tentation d’exalter et de célébrer

*

Bibliographie



- Voix nègres Voix rebelles, éditions Le Temps des cerises, 2000