jeudi 26 avril 2012

Alain Badiou

Quelque chose arrive dans l’analyse, mais pour théoriser cet évènement, il faut bien le rattacher, même en tant que rupture révélatrice, aux structures.

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Sachant que l’impossible, c’est le réel, le but est de sortir d’un état d’impasse (je suis écarté de mon désir, pris dans la dureté et la répétition de l’existence), de trouver une bifurcation qui transforme l’impuissance en puissance. Or ce processus individuel est susceptible d’acquérir une dimension collective. Selon moi, le champ de la politique correspond à la libération de nouvelles possibilités de vie, stérilisées voire barrées par un régime d’oppression.

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Il faut réinventer le risque et l’aventure, contre la sécurité et le confort.

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Avec comme point de départ une chose qui, réduite à elle-même, n’est qu’une rencontre, presque rien, on apprend qu’on peut expérimenter le monde à partir de la différence et non pas seulement de l’identité. Et on peut même accepter des épreuves, on peut accepter d’en souffrir pour cela.

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Le sexuel ne conjoint pas, il sépare. Que vous soyez nu(e), collé(e) à l’autre, est une image, une représentation imaginaire. Le réel, c’est que la jouissance vous emporte loin, très loin de l’autre. Le réel est narcissique, le lien est imaginaire.

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C’est dans l’amour que le sujet va au-delà de lui-même, au-delà du narcissisme. Dans le sexe, vous êtes au bout du compte en rapport avec vous-mêmes dans la médiation de l’autre. L’autre vous sert pour découvrir le réel de la jouissance. Dans l’amour, en revanche, la médiation de l’autre vaut pour elle-même. C’est cela, la rencontre amoureuse : vous partez à l’assaut de l’autre, afin de le faire exister avec vous, tel qu’il est.

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L’amour est toujours la possibilité d’assister à la naissance du monde.

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L’amour, ça n’est pas simplement la rencontre et les relations fermées entre deux individus, c’est une construction, c’est une vie qui se fait, non plus du point de vue de l’Un, mais du point de vue du Deux.

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Un amour véritable est celui qui triomphe durablement, parfois durement, des obstacles que l’espace, le monde et le temps lui proposent.

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Il y a un travail de l’amour, et non pas seulement un miracle. Il faut être sur la brèche, il faut prendre garde, il faut se réunir, avec soi-même et avec l’autre. Il faut penser, agir, transformer. Et alors, oui, comme la récompense immanente du labeur, il y a le bonheur.

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Bibliographie

-          Choisis ton Lacan, entretien avec Elizabeth Roudinesco, Philosophie magazine n°52 – septembre 2011

-          Eloge de l’amour, avec Nicolas Truong, éditions Flammarion, café Voltaire, 2009


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