jeudi 19 avril 2012

Miguel Benasayag

Toute information sale, trop proche de la terre, de la vie ou du corps est dévalorisée.

Ce qui vient de l’empirisme est systématiquement marginalisé parce que nous évoluons dans une société où la technique règne sans partage. Ce qui vient de l’extérieur est considéré comme un symptôme qu’il convient d’écraser. Celui qui dirait qu’il est angoissé pour des raisons climatiques ou des processus sociaux pourtant bel et bien vecteurs d’angoisses, passerait pour fou. Il y a là un réductionnisme très dangereux. Ecraser les symptômes est la pire chose que l’on puisse faire.

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On prête aux ordinateurs la capacité de voir le tout, alors que l’être humain ne voit que la partie. La conséquence insidieuse de cette conviction réside dans la perte par l’être humain de son savoir, même partiel. La normalisation de la population sérialise et quadrille l’individu, si bien qu’il perd la confiance dans ses propres sens.

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Aujourd’hui, pour comprendre certains processus physiologiques, il faut se détacher du tout génétique – une posture trop idéologique – pour adopter une compréhension plus complexe, épigénétique.

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Qui se guide par la représentation met sa vie en danger. Qui s’informe abondamment risque de trébucher sur le tronc d’arbre qui est à ses pieds. Qui guide sa vie, un village ou un pays en fonctions d’informations déterritorialisées met sa vie en péril.

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Comment cohabiter dans une société du savoir, de la science, de la rationalité ? Comment réintroduire le non-savoir en amitié avec le savoir ? 

Si nous ne sommes pas capables de cela, l’irrationnel fanatique et religieux va l’emporter. Le rationalisme qui croit que toute la complexité est transparente se conforte dans l’échec et l’obscurantisme rebondit sur cet échec-là.

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On comprend d’où vient en partie l’impuissance d’une population : si les gens dépendent de l’information centralisée, codifiée, ils ne peuvent rien. L’information tellurique, non codée, est une information qui a besoin d’un contexte dans lequel des liens sont tissés. Par opposition, l’information codée s’adresse à des individus sérialisés, isolés dans une grotte, s’informant de quelque chose qu’ils appellent le monde.

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Bibliographie



-          Avec Florence Aubenas, Résister, c’est créer, éditions La Découverte, 2002



-          Avec Angélique del Rey, Eloge du conflit, éditions La découverte, 2007 , voir : http://lesnourritureslivresques.blogspot.fr/2011/09/angelique-del-rey-miguel-benasayag.html

-          Regards, n° 12, été 2011

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