mercredi 30 mai 2012

Claude Louis-Combet


Eclats. Ce sont des mouvements, une agitation excitée, désordonnée, une fièvre d’hommes pressés d’aller – et, dans le brouillard de cet automne à l’infini, un grouillement fantomatique de formes sans cohésion autre qu’un conglomérat de hasard. Nul ne pourrait dire où le conduit la marche, vers quoi l’on s’avance ni même, à proprement parler, si le but est une offensive, un repli stratégique, une retraite humiliée.

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Il se voyait fauteur du mal et du malheur. Il reconnaissait les gestes. Il reconnaissait les ombres – et le passage obscur de son être d’où était née la nécessaire image de sa sœur. Elle était sa création. Il l’avait identifiée de poème en poème – forme de son tourment, horizon de la beauté qu’il traquait dans les mots. Mais dans le même temps, elle l’avait créé, lui.

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Elle avait ouvert la fenêtre comme pour respirer la lumière. Le ciel était très sombre, bleu marine au bord de l’horizon et son entaille, par laquelle coulait tout le sang du soleil, s’amenuisait, s’obscurcissait rapidement en une sourde lueur.

Elle se tenait penchée largement par-dessus la barre d’appui et comme, à la vitesse d’un éclair et avec la précision d’une mémoire soudain ressuscitée, se dessinait, dans la fente de l’heure, à son regard entier, brûlée par le temps, transverbérée, l’image d’une petite fille allongée, nue, dans le miroir d’un grenier, face à une ombre qui la contemplait -, elle se précipita sans un cri dans le vide. Et son corps s’écrasa, rebondit et retomba, replié.

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Bibliographie

-          Blesse, ronce noire, éditions José Corti, Les Massicotés, 2004

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