dimanche 24 juin 2012

Jean-Jacques Rousseau


Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire « Ceci est à moi » et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eut point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : « Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne. »
**
La jeunesse est le temps d’étudier la sagesse ; la vieillesse est le temps de la pratiquer.
*
Mentir pour son avantage à soi-même est imposture, mentir pour l’avantage d’autrui est fraude, mentir pour nuire est calomnie ; c’est la pire espèce de mensonge. Mentir sans profit ni préjudice de soi ni d’autrui n’est pas mentir : ce n’est pas mensonge, c’est fiction.
*
Bibliographie
-          Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Seconde partie citée dans Les carnets de la philosophie n°20, avril-mai-juin 2012
-          Les rêveries du promeneur solitaire, éditions Garnier Flammarion, 1964
-          Confessions (extraits), éditions Classiques Larousse, 1938

samedi 23 juin 2012

Marc Alpozzo

Mesdames et messieurs, voilà le nouveau médicament de l’époque : la jouissance et la facilité ! Enrobez-le d’une morale populaire, pour ne pas dire populiste, et servez frais ! C’est peut-être cela le désastre !

.

Voilà que notre époque nous invite désormais à tomber d’accord sur ce avec quoi il faut être en désaccord, mais sans risque bien sûr ! C’est la guerre, mais sans mort d’hommes ! la lutte finale, et surtout festive !

.

Nous sommes devenus une civilisation des loisirs, du zapping, du buzz. C’est l’évènement à titre informatif. Cela permettra à la causerie française de bavarder, à l’ordre poral de se renforcer, et à la grande mélodie du bonheur de continuer, légère, têtue, moutonnière.
Nous n’aurons ainsi pas commencé à penser…

*


Aimer, c’est l’abandon de tout abri, c’est s’exposer, se vouer et même se soumettre. Ça transforme l’amant en un otage de l’être aimé, donc d’un absent, car l’autre, au fond, nous échappe toujours. Il est et demeure un mystère.

.

L’amour est devenu le nouveau divertissement à la mode. Hais autrui comme toi-même ou aime-toi dans le miroir d’autrui, cela revient au même dans ce grand désordre amoureux qui en dit long sur le symptôme moderne ! L’amour est la névrose collective. C’est le no comprendo contemporain. C’est le luxe ultime de l’homme civilisé. Son nouveau jouet. Sa nouvelle revendication.

.

Si la grande aventure de la liberté n’est possible sans la faculté d’aimer, l’amour n’est possible sans la liberté. Et là encore, on se trompe ! Dans notre conception égoïste de l’amour, on veut se sentir libre d’éveiller le désir en l’autre ; pourtant, ce qui fait le sel de la relation, c’est précisément le scandale même de l’amour qui prend le risque d’éveiller le désir en nous. Or, on en veut à celui qui ose nous faire cet affront : de quel droit peut-il ainsi nous éveiller à notre désir ? Cela nous fait peur, irrémédiablement, car nous ne savons pas gérer cette monstruosité !
Nous ne savons plus faire avec notre désir, ni avec l’amour.

*

Bibliographie

-  Sade, une esthétique de la souillureOnfray ou les forces de l’Empire du Bien, in Les carnets de la philosophie n° 20 – Avril/Mai/Juin 2012
La sagesse de l’amourLes dégoulis amoureux in Les carnets de la philosophie n°21 – Juillet/Août/Septembre 2012