dimanche 24 mars 2013

Gilbert Durand




L’unité de la pensée et de ses expressions symboliques se présente comme une constante correction, comme un perpétuel affinement.

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En termes pavloviens on pourrait dire que l’environnement humain est le premier conditionnement des dominantes sensori-motrices, ou en termes piagétiens que le milieu humain est le lieu de la projection des schèmes d’imitation.

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A toutes époques, et dans toutes les cultures, les hommes ont imaginé une Grande Mère, une femme maternelle vers laquelle régressent les désirs de l’humanité.

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Pas plus que les images ne coïncident avec le rôle ou le comportement psycho-social, elles ne recoupent le consensus sexuel. Un mâle n’a pas forcément une vision virile de l’Univers.

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Tout individu étant par là un androgyne psycho-physiologique peut manifester, tant dans les rêves que dans les projections imaginaires de l’état de veille, une fantastique sexuelle sans point commun avec sa sexualité physiologique. Chaque mâle est habité par des potentialités représentatives féminisantes, « l’anima », et chaque femme possède au contraire un « animus » imaginaire.

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La représentation imaginaire est pouvoir général de se mettre à la place de l’autre.

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Non seulement la fonction fantastique participe à l’élaboration de la conscience théorique, mais encore, elle ne joue pas dans la pratique le simple rôle d’un refuge affectif, elle est bien un auxiliaire de l’action. Non pas peut-être en ce que le jeu est initiation à l’action, mais plus profondément parce que toute culture avec sa charge d’archétypes esthétiques, religieux et sociaux, est un cadre dans lequel l’action vient se couler. Or toute culture inculquée par l’éducation est un ensemble de structures fantastiques.

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C’est au moment même où l’imagination tombait en discrédit dans la pensée occidentale que le terme de rhéteur devenait lui aussi péjoratif…

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Les « erreurs et faussetés » imaginaires étaient bien plus courantes, bien plus universelles dans la pensée des hommes que les « vérités » fragiles et étroitement localisées dans le temps et le monde, ces « vérités » de laboratoire œuvres du refoulement rationaliste et iconoclaste de la présente civilisation.

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Pourquoi négliger les « erreurs » lorsqu’elles apparaissent comme la chose la mieux partagée ? Et surtout lorsque ce partage semble se faire selon un certain ordre révélateur d’une certaine vérité ? Un humanisme véritable ne doit-il pas prendre en charge tout ce qui plaît universellement sans concept, et bien plus : tout ce qui vaut universellement sans raison ?

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Notre civilisation rationaliste et son culte pour la démystification objective se voit submergée en fait par le ressac de la subjectivité brimée et de l’irrationnel. Anarchiquement les doits à une imagination plénière sont revendiqués aussi bien par la multiplication des psychoses, le recours à l’alcoolisme et aux stupéfiants, au jazz, aux « hobbies » étranges, que par les doctrines irrationalistes et l’exaltation des plus hautes formes de l’art.

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L’objectivité, la « Science », le matérialisme, l’explication déterministe, le positivisme s’installent avec les plus indéniables caractéristiques du mythe : son impérialisme et sa fermeture aux leçons du changement des choses. L’objectivité est devenue, paradoxalement, culte fanatique et passionné qui refuse la confrontation avec l’objet.

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Une des tâches les plus honnêtes dans la recherche de la vérité et le soucis de démystification, c’est bien de discerner la mystification et le mythe. Et de ne point jouer sur la racine des mots. Vouloir « démythifier » la conscience nous apparaît comme l’entreprise suprême de mystification et constitue l’antinomie fondamentale : car ce serait effort imaginaire pour réduire l’individu humain à une chose simple, inimaginable, parfaitement déterminée, c’est-à-dire incapable d’imagination et aliénée à l’espérance. Or la poésie comme le mythe est inaliénable. Le plus humble des mots, la plus étroite compréhension du plus étroit des signes, est messager malgré lui d’une expression qui nimbe toujours le sens propre objectif.

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Il n’y a d’honneur véritable, pour l’homme, que celui des poètes.

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Jadis les grands systèmes religieux jouaient le rôle de conservatoire des régimes symboliques et des courants mythiques. Aujourd’hui pour une élite cultivée, les beaux arts, et pour les masses, la presse, les feuilletons illustrés et le cinéma, véhiculent l’inaliénable répertoire de toute la fantastique. Aussi faut-il souhaiter qu’une pédagogie vienne éclairer, sinon assister cette irrépressible soif d’images et de rêves. Notre devoir le plus impérieux est de travailler à une pédagogie de la paresse, du défoulement et des loisirs. Trop d’hommes en ce siècle de « l’éclairement » se voient usurper leur imprescriptible droit au luxe nocturne de la fantaisie. Il se pourrait bien que la morale du « vous chantiez, j’en suis fort aise ! » et l’idolâtrie du travail de la fourmi soient le comble de la mystification.

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Un humanisme planétaire ne peut se fonder sur l’exclusive conquête de la science, mais sur le consentement et la communion archétypale des âmes.

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C’est l’objectivité qui jalonne et découpe mécaniquement les instants médiateurs de notre soif, c’est le temps qui distend notre assouvissement en un laborieux désespoir, mais c’est l’espace imaginaire qui au contraire reconstitue librement et immédiatement en chaque instant l’horizon et l’espérance de l’Etre en sa pérennité.

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En cette fonction fantastique réside ce « supplément d’âme » que l’angoisse contemporaine cherche anarchiquement sur les ruines des déterminismes, car c’est  la fonction fantastique qui ajoute à l’objectivité morte l’intérêt assimilateur de l’utilité, qui ajoute à l’utilité la satisfaction de l’agréable, qui ajoute à l’agréable le luxe de l’émotions esthétique, qui enfin dans une assimilations suprême, après avoir sémantiquement nié le négatif destin, installe la pensée dans l’euphémisme total de la sérénité comme de la révolte philosophique ou religieuse.

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Non seulement on vit et l’on meurt pour des idées, mais la mort des hommes est absoute par des images.

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Bibliographie

Les structures anthropologiques de l’imaginaire, éditions Dunod, 1992

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Sur internet

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Giacomo Rizzolatti & Corrado Sinigaglia


La thèse, autrefois largement partagée, et reprise parfois encore aujourd’hui, selon laquelle les fonctions sensorielles, perceptives et motrices seraient la prérogative exclusive de certaines aires séparées entre elles, semble être le fruit d’une simplification excessive. En particulier, il est de plus en plus évident que le système moteur possède une telle multiplicité de structures et de fonctions qu’on ne peut plus le confiner au rôle de simple exécuteur passif de commandes ayant leur origine ailleurs.

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Partager, au niveau viscéro-moteur, l’état émotionnel de quelqu’un ne signifie pas cependant être en empathie avec lui. Par exemple, si nous percevons une grimace de douleur, ce n’est pas pour autant que nous sommes amenés automatiquement à éprouver de la compassion. Certes, cela arrive souvent, mais ces deux processus sont distincts, au sens où le second implique le premier, mais non l’inverse. Outre la reconnaissance de la souffrance, la compassion dépend de bien d’autres facteurs, comme par exemple de notre connaissance de l’autre, des relations que nous entretenons avec lui, de notre capacité à nous identifier à lui, de notre désir d’endosser sa situation émotionnelle, de ses désirs, de ses attentes, etc. Si c’est quelqu’un que nous connaissons ou qui ne nous inspire aucun sentiment négatif, la résonance émotionnelle provoquée par la vue de sa souffrance peut nous inspirer de la compassion ou de la pitié ; mais les choses peuvent se passer tout autrement si cet individu est notre ennemi ou bien si, dans une situation donnée, il est en train de commettre un acte qui représente pour nous un danger potentiel ; il se peut aussi que nous soyons profondément sadiques, et que la souffrance des autres nous procure du plaisir, etc. Dans chacune de ces situations, nous percevons immédiatement la douleur d’autrui, mais cette perception n’induit pas nécessairement chaque fois une coparticipation empathique.

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L’étude du système moteur nous avait orientés vers une analyse neurophysiologique de l’action capable d’identifier les circuits neuraux qui régissent nos rapports avec les objets. La mise en lumière de la nature et de la portée du mécanisme des neurones miroirs semble, à présent, nous offrir une base unitaire à partir de laquelle nous pouvons commencer à comprendre les processus cérébraux responsables de cette riche palette de comportements qui scandent notre existence, et dans laquelle prend corps le réseau de nos relations interindividuelles et sociales.

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Bibliographie

Les neurones miroirs, éditions Odile Jacob, 2008

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Sur internet



samedi 23 mars 2013

Osho


L’ego se satisfait de la richesse, des nombreuses souffrances que vous avez traversées ; si vous accumulez beaucoup de connaissances, cela gonflera aussi votre ego. Si je renonce au monde, je renforce mon ego. Et ceux dont l’ego est satisfait ne peuvent jamais travailler ensemble. L’ego est le seul facteur de division et l’absence d’ego est le seul facteur d’union. C’est pourquoi là où il n’y a pas d’ego, il y a union.

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Etre libre veut dire n’être asservi par aucun lien, mais suivre un élan qui vient de l’intérieur.

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Il n’y a rien de mal à rester inactif, mais il y a des insensés qui disent qu’il vaut mieux faire n’importe quoi plutôt que rien. Ce n’est pas vrai. Il vaut toujours mieux ne rien faire plutôt que faire quelque chose de nuisible, car au moins vous ne perdez rien et vous n’accumulez rien de stupide.

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On dit que l’homme est un animal rationnel, mais ce n’est pas vrai. IL n’y a pas beaucoup de choses dans votre vie qui résultent de votre pensée, presque tout ce que vous faites est influencé par vos émotions.

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La haine est suscitée par l’extérieur, l’amour jaillit de l’intérieur.

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Quand l’amour est un état d’être, il n’y a plus de choix – on doit donner, ce n’est pas possible autrement.

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Vous êtes tellement étranges : la lune luit dans le ciel toute la nuit et vous restez assis à jouer aux cartes, et vous calculez combien vous avez gagné ou perdu. La lune est là-haut et une magnifique occasion d’aimer est perdue.

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La vie est courte, elle ne dure que quelques jours. Je dis quelques jours, mais en réalité, les quelques instants qui viennent ne sont même pas certains. Et si durant ce bref temps de vie nous n’apprenons pas la compassion les uns pour les autres, nous n’aurons pas été humains ; nous n’aurons pas connu la vie, nous ne l’aurons pas reconnue.

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Celui qui désire être heureux regardera le beau côté. Il verra qu’il y a une nuit entre deux jours, tandis que celui qui désire se sentir misérable verra qu’il y a un jour entre deux nuits.

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Avez-vous jamais rencontré un être si mauvais qu’il ne possède au moins une qualité vertueuse ?

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La culture à venir, si elle sert véritablement l’évolution de l’humanité, sera un équilibre entre la science et la religion. Elle en sera la synthèse. Elle ne sera pas purement religieuse ou purement scientifique : elle sera soit scientifiquement religieuse, soit religieusement scientifique.

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Il vaudrait mieux être pauvres et privés de confort que de perdre son âme.

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La plus grande maladie de l’esprit humain est d’aller vers les extrêmes.

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Seul celui qui aime simplement, sans avoir besoin que quelqu’un soit là, aime véritablement.

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La méditation consiste à laisser tomber tout ce qui occupe notre mémoire et à parvenir à un état où seule subsiste la conscience, la vigilance.

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Vous ne devez pas méditer sur quelque chose. Vous devez atteindre la méditation en vous.

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Si être affamé était une vertu, la pauvreté deviendrait un sujet de fierté.

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L’austérité accomplie avec le désir de recevoir quelque chose en retour est fausse, car ce n’est qu’une forme d’avidité.

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Celui qui se limite aux plaisirs du corps est tout aussi malade que celui qui prend plaisir à torturer son corps.

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Ceux qui ne savent pas pensent. Ceux qui savent ne pensent pas, ils observent.

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La pensée est une vague, c’est une maladie, c’est une excitation. Vous atteignez l’état de témoin quand vous perdez l’excitation causée par la pensée.

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La vie désire toujours la joie.

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Ceux que vous appelez athées sont théistes dans leur attitude face au monde ; leur quête est aussi une quête de joie. Eux aussi recherchent la joie. Et un jour ou l’autre,  quand ils réaliseront que la joie ne se trouve pas dans le monde, ils n’auront pas d’autre alternative que de s’intéresser au spirituel.

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Chacun désire être libre de ses besoins. Chacun aspire à un instant de liberté où il n’est lié à aucun besoin, où il est simplement illimité et infini ; où il ne reste rien à atteindre. Rien ne peut être enlevé et rien ne peut être abandonné.

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Bibliographie

La méditation pas à pas, La plénitude de la vie, éditions Accarias L’originel, 2012

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