dimanche 22 novembre 2015

Ecrire pour ne pas fuir

A propos du livre de Niroz Malek, Le promeneur d'Alep, éditions Le serpent à plumes 2015



Tout le monde ne peut être Niroz Malek écrivant sous les bombes, à Alep.
Mais tout le monde devrait lire Niroz Malek pour comprendre que tout le monde ne peut demeurer sous les bombes et écrire.
Que, parfois, il devient urgent de fuir.
D'ailleurs, qui me dit aujourd'hui que Niroz Malek n'a pas été contraint, lui aussi, de s'échapper à cet enfer ?

Car d'Alep il ne reste plus qu'une ombre, il semble bien. Et la mise à mort de ce lieu là signe en quels territoires d'inhumanité nous sommes entrés depuis les premières bombes sur Bagdad, en deux mille trois.

Dès la première lueur phosphorique, en cette aube funeste, il fallait voir, au-delà, le symbole lancé comme stade ultime du capitalisme libéral avancé : le chaos et le choc pour toute culture, rasant tout sur son passage au mépris de la mémoire et des nécessaires vertus culturelles.
Les enfants, les monstres libérés par ce choc poursuivent leur route, rasent et pillent, violent et assassinent, sèment partout leur terreur aveugle.

Et il faut s'appeler Niroz Malek et être encore digne de beau mot d'humain pour écrire de cet enfer : « J'ai cessé d'écrire quand m'est parvenu au loin le bruit d'un avion. Le cœur serré, je me suis demandé : Quelle sera la cible ? »

Nul ne peut comprendre les fuites éperdues et le long cortège de leurs victimes s'il ne lit Niroz Malek.


© Xavier Lainé, Manosque, 22 novembre 2015